Indomptable femme courage.

Phoolan Devi, c’est le destin d’une rebelle, d’une hors-la-loi justicière qui a marqué l’Inde dans les années 80. S’inspirant librement de l’autobiographie Moi, Phoolan Devi, reine des bandits, Claire Fauvel, la lauréate du prix jeunesse d'Angoulême 2018 pour La guerre de Catherine, livre un roman graphique au souffle romanesque, tout en dévoilant les inégalités criantes et les coutumes barbares de l’Inde.

Phoolan Devi est née en 1963 au nord de l’Inde dans la caste la plus basse, celle des shudras, les serviteurs.Toute sa jeunesse elle sera confrontée à la violence et l’injustice. Mariée de force à 11 ans à un homme de 33 ans dont elle devient l’esclave, battue, violée, Phoolan découvre que le monde violent qui l’entoure n’est pas fait pour les femmes et qu’elle doit résister. Dès lors, sa vie devient un combat incessant. Enlevée par une bande de bandits, elle en deviendra la chef et se vengera de ses anciens tortionnaires avant de se rendre à la justice de son pays. Après de longues années de prison elle finira au parlement indien, où elle n’aura de cesse de défendre le droit des opprimés.

Claire Fauvel raconte de manière très vivante la vie de cette femme fascinante qui refusa de se soumettre au bon vouloir des hommes. Son récit sans concession, violent, âpre et révoltant, nous plonge avec force dans cette société indienne très hiérarchisée et corrompue et évoque, en filigrane, la difficile condition des femmes.

Avec un trait rond et fin, un dessin à la fois rude et sombre qui met bien en valeur les moments de tensions ou les moments plus doux, elle rend un hommage poignant à une femme libre au destin unique.

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Quand l'art rime avec folie.

Après le superbe Serena, Anne-Caroline Pandolofo & Terkel Risjberg, retracent le destin de six personnes sans talent particulier, mises au ban de la société et devenus, du jour au lendemain, des artistes qui ont laissé une œuvre fascinante.
Enferme-moi si tu peux, un magnifique hommage à l'art brut, à la liberté de création et à la différence.

Ils sont six. Six à venir tour à tour s’asseoir sur un tabouret pour se raconter : Augustin Lesage, Madge Gill, le Facteur Cheval, Aloïse Corbaz, Marjan Gruzewski, Judith Scott. Internés, exclus de la société, ou simplement femmes, sans culture, ni formation artistique, dénués de toute démarche intellectuelle, poussés par une voix ou par leur esprit, ils vont puiser dans leur monde intérieur et réaliser des œuvres aussi atypiques qu’incroyables. Tous rencontreront une personne qui les poussera à développer leur talent divers et varié : sculpture, peinture, tissus... Ils seront associés à l'Art Brut.

Dans cet album à quatre mains, Anne-Caroline Pandolfo et Terkel Risjberg magnifient ces marginaux, ces personnes profondément libres. Ils nous donnent envie d'aller plus loin. Le scénario se déroule de manière fluide et habile, sans rupture entre les portraits en les faisant se rencontrer et discuter, alors qu’ils ne sont pas tous contemporains.

Les planches inventives, la mise en couleurs un peu passée et le trait toujours aussi élégant, tendre et poétique de Terkel Risjberg, sont au diapason de l'univers de chacun.

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Une femme exrtraordinaire

une femme fantastiqueOurs d'argent à Berlin, Une femme fantastique, sixième film du réalisateur chilien Sebastian Lelio, relate  le combat d'une femme transgenre pour reconquérir sa dignité et faire le deuil de son compagnon.

Marina vit en couple avec Orlando de vingt ans son aîné. Lorsqu’Orlando meurt brusquement d'une crise cardiaque, la veuve officielle reprend les rennes du pouvoir pour venger son affront et organiser les funérailles. Alors que  la famille du défunt la rejette brutalement et l'humilie, lui confisquant toute existence, Marina n'a d'autre choix que de lutter pour faire valoir ses droits et affronter l'enquête policière sur les circonstances du décès.

Sebastian Lelio brosse le  subtil portrait d'une femme "extraordinaire" qui balance entre deux identités, entre la perte et la renaissance, entre la violence des uns et le réconfort des autres. Magistralement interprétée par l'actrice chilienne Daniela Vega, forte et douce à la fois, Marina avance avec détermination opposant la beauté de l'art à l’obscénité du regard des autres. Un film pudique, parfois mystérieux et bouleversant que souligne une musique envoutante.

Une délicieuse vieille dame indigne.

Un nouveau portrait de femme, une septuagénaire londonienne ancienne marchande d’art acariâtre, misanthrope et passablement escroc, mêlée malgré elle à une sordide affaire de meurtre.
Dans la veine des exquis Tamara Drew et Gemma Bovary, l'auteure britannique Posy Simmonds s’inspire très librement d’un conte de Noël de Charles Dickens, pour épingler, dans son nouveau roman graphique, Cassandra Darke, les fractures de la société britannique. On déguste avec plaisir cette satire sociale déguisée en polar, à l'humour acidulé so british.

Vieille fille dans l’âme sans scrupules, plus attachée à son chien qu'à quiconque et d’une mauvaise foi consternante, Cassandra jouit d’une belle maison dans les quartiers chics de Chelsea et d’une fortune confortable, grâce à ses arrangements avec la loi. Arrangements qu’elle a accumulés dans la galerie d’art de son ex-mari qui a épousé sa sœur, une femme bienveillante jusqu’à l’écœurement. Mise en cause par la veuve d'un sculpteur dont elle a édité et vendu des copies non autorisées des œuvres, elle est rattrapée par la justice, échappe à la prison ferme, mais pas à une lourde amende. Elle perd toute crédibilité, se retrouve mise au ban de la high society, et va peu à peu se couper du monde jusqu’à l’arrivée de sa jeune nièce Nicki qu’elle remise dans le sous-sol de sa maison.

Posy Simonds dépeint avec beaucoup de finesse, de tendresse même, son héroïne. Malgré un trait dur et acerbe, mais jamais méchant, elle parvient à la rendre délicieusement sympathique. Associant les techniques du roman à celles de la bande dessinée, elle tricote une intrigue bien ficelée portée par son dessin inimitable plein de justesse et par son humour mordant. Elle en profite pour réaliser une peinture acerbe de la société anglaise, égratignant le milieu d’art contemporain, les galeristes, les collectionneurs et les travers des gens en général.

Une chronique sociale très plaisante et un personnage inoubliable que vous allez adorer détester !

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