In Moonlight Black Boys Look Blue

 

 

moonlight1 Adapté d'une pièce de théâtre de Tarell Alvin McCraney, Moonlight, le deuxième film de Barry Jenkins, évoque en trois temps la vie de Chiron, un afro-américain dans un quartier pauvre de Miami et la découverte de son homosexualité. 

Enfant, élevé par une mère junkie et martyrisé à l'école, il rencontre Juan (le fournisseur de crack de sa mère) qu'il voit pourtant comme un père de substitution. A la mort de ce dernier seul Kevin son camarade lui offre son amitié.

Adolescent, il subit sans rien dire le harcèlement quotidien d'une bande de sa classe qui pousse Kevin à le frapper mettant à mal les sentiments naissants qu'il éprouvait à son égard. Furieux et et désireux de se venger il abat une chaise sur le meneur, et part en détention.
On le retrouve dix ans plus tard à sa sortie de prison. Métamorphosé physiquement, devenu dealer, il retrouve sa mère puis Kevin.

Les trois comédiens filmés à fleur de peau incarnent avec brio, les souf rances et la sensibilité de Chiron. Barry Jenkins emprunte les codes du film de genre pour mieux les casser, dépeint les personnages avec délicatesse et nuance ; sa mère, les dealers sont directement inspirés de son histoire personnelle. Le choix de la bande-son variant du hip hop au classique souligne les moments violents ou romantiques, voire lyriques. Un film limpide et lumineux.

Le prix de la liberté.

Jack Burns est un cowboy anachronique des années 50. Parce qu’il est réfractaire aux règles de la société moderne, il devient la cible des autorités au cours d’une traque sans pitié.
Max de Radiguès et Hugo Piette signent avec Seuls sont les indomptés une adaptation réussie du roman éponyme d’Edward Abbey, écrivain écologiste radical.
Une véritable ode à la liberté sublimée par un texte épuré et une belle maîtrise des atmosphères.

Jack Burns, cavalier solitaire parcourant les plaines arides du Nouveau-Mexique, dormant à la belle étoile et vivant de petits boulots, a tout du cow-boy cher à notre imaginaire. Sauf qu’il vit au milieu des années 50… Quand il apprend que son ami Paul vient d’être incarcéré car il est objecteur de conscience, il décide de l’aider à sortir de prison. Les forces de police vont tout mettre en œuvre pour l’appréhender lors d’une impitoyable chasse à l’homme qui vire à l’acharnement absurde. Il faut abattre cet insoumis qui remet en question les bases de ce pays, grand défenseur des libertés individuelles…

Cet album aux allures de western est une ode à la liberté, à l’insoumission, au refus du monde moderne et une critique de l’Amérique et de ses immenses contradictions. L'histoire de cet indompté refusant les codes de la société n’a pas pris une ride tant ses thématiques résonnent encore de nos jours.

Le texte très épuré, empreint de nostalgie, laisse très souvent la place aux images, se focalisant sur des détails qui disent tout, et joue avec brio des alternances de scènes d’action et de scènes contemplatives. Le dessin est également très épuré et le travail sur les couleurs chaudes est magnifique.

Une histoire dont on en ressort KO, et un livre à découvrir ou à redécouvrir.

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Une imagination sans limites.

Quand Petit Pierre naît en 1909, il est atteint du syndrome de Treacher Collins. Bossu, sourd et quasiment muet, on lui prédit une mort jeune. Il survit pourtant jusqu’à l’âge de 83 ans et développe même des facultés stupéfiantes.
Petit Pierre, une jolie biographie romancée de la vie d'un artiste de l'art brut, par Florence Lebonvallet et Daniel Casanave.

Né dans le Loiret, Pierre Avezard, dit Petit Pierre, ne partait avec les meilleures cartes en main. Son handicap lui vaut des moqueries à l’école puis des garçons de ferme avec qu’il travaillait. Rêveur et poète, il aime se réfugier dans son monde. Depuis tout petit, il récupère toutes sortes d’objets pour les assembler selon son imagination, créant des formes de plus en plus complexes jusqu’à construire un fabuleux univers de manèges et d’automates qui va attirer la France entière et devenir un chef d’œuvre de l'art brut.

Porté par le dessin naïf et coloré de Daniel Casanave, le récit de ce parcours hors du commun est poétique, délicat et drôle. Les auteurs nous offrent une belle immersion dans le monde attachant et touchant de Petit Pierre.

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Une plongée dans l'enfer d'une jeunesse livrée à elle-même à Mayotte.

Le prix Clouzot qui récompense la meilleure adaptation en bande dessinée d'un roman noir dans le cadre du festival Regards noirs a été attribué à Gaël Henry pour Tropique de la violence adapté du roman éponyme de Nathacha Appanah
Un récit à la fois fascinant et terrible sur la destinée tragique de Moïse, adolescent entraîné dans la spirale infernale des gangs.

Une jeune immigrée comorienne de seize ans s’enfuit d’un hôpital de Mayotte en laissant son bébé aux yeux vairons, signe de malheur, aux bras d’une infirmière. Marie, qui a tenté en vain d’avoir un bébé, l’adopte et lui offre une vie protégée. À l’adolescence, la mort subite de sa mère, provoque une cassure. Il se retrouve sans repères, sans amour, partagé entre sa culture d’adoption et ses racines. Livré à lui-même il échoue dans le bidonville de « Gaza », quartier de débrouille, de violence et de délinquance.

Le trait tremblant de Gaël Henry, le découpage audacieux des cases, collent parfaitement à cette histoire à l'issue inéluctable. Les couleurs de Bastien Quignon judicieusement choisies appuient appuient la lourdeur de l’atmosphère, renforcent les sentiments d’étouffement et d’oppression. 

Cet album poignant, dur, offre un regard saisissant sur un département français, terre d'accueil d'un grand nombre d'immigrés, gravement touché par la pauvreté, les trafics en tous genres et la violence. 

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La rentabilité, jusqu’à quel prix ?

Broyé par un système de management inhumain, un ingénieur voit sa vie se transformer en cauchemar.
Partant d’une histoire vraie, Le travail m’a tué d’Hubert Prolongeau, Arnaud Delalande et Grégory Mardon est une bande dessinée touchante et juste sur le drame des suicides au travail.

Carlos, fils de modestes immigrés espagnols, est un ingénieur modèle de l’industrie automobile à qui tout réussit. Son père lui a transmis sa passion pour les voitures et rêve d’en construire un jour. Son rêve se concrétise lorsque, après de brillantes études à Centrale, il est embauché dans une entreprise bien connue du secteur automobile. Tout bascule quand la compagnie déménage, entraînant deux heures supplémentaires de trajet quotidien, et un travail en open space. Des cadres plus jeunes lui imposent des objectifs inatteignables et une pression permanente. Malgré son désir de réussir, sa vie se transforme en un enfer quotidien impactant également sa famille.

Le trait de Grégory Mardon, toujours juste, simple mais très expressif, montre qu'aucune échappatoire n'est visible et envisageable pour Carlos. Son dessin est d’une redoutable efficacité, traduisant avec pudeur et justesse le désarroi grandissant de Carlos qui, emprisonné dans cet engrenage, perd peu à peu pied et glisse, inexorablement, vers l’abîme…

Le travail m’a tué brosse un tableau peu reluisant du monde de l’entreprise… Poignant et glaçant.

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